La vaine course au soleil

Lundi 6 mai 2013

Ce matin, il pleut à verse. Comme le ciel n'a pas l'air de vouloir s'éclaircir, je sors avec mon k-way et un sac à dos léger pour visiter le centre de Graz. Une longue avenue conduit à la Mur, la rivière locale. Sur ma rive, un bâtiment à l'architecture excentrique, bulle allongée aux vitres noires et hérissée d'une multitude de cylindres. Lui répond de l'autre côté une église franciscaine à la façade jaune. Mais ce qui m'intéresse le plus, c'est un vestige de la capitale européenne de la culture : un pont flottant en zigzag avec une carapace de métal posée au milieu. Ici, les habitants parlent de la seule "île" de la ville comme me l'avait précisé Karl hier soir.

J'emprunte cette structure pour franchir le cours d'eau et venir butter sur une falaise. 3 options se présentent : la traverser par un tunnel piéton en pente, y monter en téléphérique ou alors à pied. J'opte pour cette dernière et avale les 260 marches au milieu de la verdure.

En haut, une esplanade et un jardin offrent un beau point de vue sur la cité. La Tour de l'Horloge, symbole de la ville, s'y dresse avec comme particularité d'avoir une aiguille longue qui indique les heures et une courte pour les minutes. Je continue l'ascension autant que possible. Se succèdent la maison Stark et son clocher néogothique,  une citadelle assiégée par la glycine et une seconde tour moins jolie que la première citée. Nous autres, français, avons tout démantelé ou presque au début des années 1800 alors que notre occupation n'a duré que 6 ans !

 

Quelques lacets me descendent vers la ville. J'aurais pu y voir, s'il n'y avait eu de travaux de restauration, une fontaine semblable à celle de la Place de la Concorde à Paris. Un peu plus loin, l'opéra qui contraste avec le modernisme de l'épéiste voisin, sculpture géante et figurative

Le complexe politico-religieux constitué du Burg (inaccessible sans montrer patte blanche), de la cathédrale et du mausolée d'un empereur austro-hongrois me laisse sur ma faim. Je me rattrape en empruntant de petites ruelles débouchant sur la Landhaus puis sur le Rathaus (Hôtel de Ville) et sa place aux façades ouvragées.

Dernier crochet par la rue du Paradis avant d'aller m'approvisionner chez Eurospar, ravitailleur officiel depuis l'Irlande. J'y récupère pour un maximum de 24 heures d'autonomie.

Alors que la pluie s'est arrêtée après 4h de sortie, je récupère mes affaires à l'auberge et prends le chemin de la gare.

10h38. Départ pour Maribor la slovène, toute récente capitale européenne de la culture en 2012. Le passage de relais entre les deux premières cités du jour est ainsi naturel. Retour dans ce pays séduisant, deux ans après seulement. Le centre est plutôt petit et la partie touristique plus réduite encore mais elle mérite une courte escale. Ses places principales sont un concentré de baroque aux façades multicolores. De nombreuses ruelles sont ainsi et il ne faut pas hésiter à s'y engouffrer. Des coteaux voisins dévalent les vignes, du ciel une averse. Je fuis.

En début d'après-midi, un train rapide ICS file vers Ljubljana. Moyennant un petit supplément (3,4€), je m'y réfugie pour être au sec. Tandis que je déjeune, des vallées très encaissées se succèdent dans lesquelles les rails suivent la rivière. Nous passons au pied de Celje et de son château, seul endroit du parcours avec Zidani Most que je parviens à identifier. La fin du trajet met en avant le rural et le symbole de cette Slovénie à mes yeux : le kozolec, le séchoir à foin traditionnel.

A Ljubljana, j'ai à peine le temps de déposer mes bagages à l'auberge que la pluie s'abat. C'est la journée de l'eau ou quoi ? Après consultation des horaires à la gare, je prends le parti d'aller sur les rives de l'Adriatique, première rencontre du voyage avec cette mer qui en appelle d'autres. Peut-être qu'avec l'influence marine j'aurais un peu de répit ?

Sur la fin du parcours, les trains de marchandises, souvent autrichiens, viennent en sens contraire de façon très régulière. Ils distillent sur notre continent des montagnes de containers arrivés à Koper. La voie est souvent unique et très scénique : à 20 kilomètres du terminus, nous débouchons au sommet d'un plateau que le train descend en décrivant une large boucle. Celui-ci passe à proximité d'une église austère de style arménien ou caravansérail : il s'agit de Hrastovlje. Elle est ceinte d'une muraille et son intérieur est réputé pour ses fresques bibliques en parfait état venues tout droit du Moyen-Age. Puis, au bout d'une vallée, des vignobles et enfin la mer ou plutôt le port dont on voit les immenses cuves.

 

Koper. J'ai à peine plus d'une heure devant moi pour ne pas rater le dernier train de la journée (toutes mes affaires sont restées à Ljubljana). Au pas de charge, je traverse la zone commerciale en 10 minutes et m'engouffre dans une localité à l'architecture influencée par l'Italie : ruelles étroites et tortueuses où le linge sèche sur un fil traversant, campanile, piazze et fontaines.

Entre les pays traversés et les influences perçues, le patchwork que je décrivais en introduction commence à se révéler.

Malheureusement, même par ici la pluie finit par arriver. La fuite en avant aura été vaine !

Je reviens sur Ljubljana peu avant 22h. Je n'ai pas encore mangé mais préfère acheter quelque chose sur le pouce car il va falloir que je m'occupe ensuite de mon "bureau itinérant" que je décrivais dans les articles précédents. C'était sans compter sur un petit loupé dû à un excès de confiance. Croyant être capable de me repérer sans carte en empruntant un itinéraire différent de celui de l'aller, je m'égare et me désoriente. 20 minutes de lâchées bêtement dans l'affaire. Aucun témoin, l'honneur était sauf ... avant que je n'écrive ces dernières lignes dans ce carnet de voyage.

A l'auberge, je discute avec un breton et un brésilien de São Paolo en tournée en Europe pour 3 semaines. Nous parlons de nos routes respectives puis de la France que le sud-américain connaît "un peu" (pour le breton c'est normal ...). Quand il me demande d'où je viens, je lui réplique d'une ville "proche de Lourdes" estimant qu'il ne connaitra pas mon lieu de naissance. Quelle n'est pas ma surprise lorsqu'il m'explique qu'il ne connaît pas la ville sainte mais juste la mienne et de nom seulement. Vraiment incroyable ! Nous terminons la soirée en plaisantant sur le pittoresque des trains serbes, le breton ayant croisé quelqu'un qui les avait empruntés. Il nous brosse alors une fresque haute en couleur à base de trafic de stupéfiants et de corruption omniprésente ... Vous verrez ce qu'il en est plus loin. Quant au brésilien, il décrit ses réguliers "délits de faciès" dans les aéroports du fait de sa peau mate. Vers minuit, les feux s'éteignent, il faut être raisonnable.

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