Le pays où je ne suis jamais allé

Samedi 11 mai 2013

 

Déjà une semaine que je suis parti. J'ai vu tant d'endroits différents que je me croirais volontiers parti depuis des mois !

A 8h, mon bus sort de Dubrovnik en direction de Mostar en Bosnie Herzégovine. Il suit longuement le littoral bordé d'îles de toutes les tailles.

Une bande de terres bosniaques vient couper la Croatie en deux sur une poignée de kilomètres. Le contrôle s'éternise pour une personne mais cette fois ce n'est pas moi. 4 postes de douane à franchir coup sur coup, ça fait potentiellement pas mal de tampons. Mais pour une mystérieuse raison, je ne vais en recueillir aucun. En même temps, il y a peu de chances de s'échapper -quand bien même je le voudrais- car, sur notre droite, court en permanence une très haute falaise.

Second bout de Croatie avant de se présenter à une nouvelle frontière bosniaque. Cette fois-ci, le bus se range sur un parking le temps d'accomplir les formalités. Je ne sais pas trop lesquelles puisque, là encore, il n'y aura pas de trace sur mon passeport. Pour la première fois de ma vie, je suis "clandestin" dans un pays possédant des frontières tout en y étant entré légalement. Aurais-je droit au charter ou à une prime pour rentrer chez moi ? Bon c'est vrai, je ne suis pas venu pour ça non plus ...

Les paysages que nous traversons se font d'abord agricoles avec une vallée entière couverte de vergers. Puis nous allons suivre la Neretva. Le changement d'Etat s'accompagne en outre d'une petite nouveauté : ici, les villages possèdent à la fois des églises et des mosquées. La cohabitation n'a pas toujours été aisée comme en témoigne le conflit des années 1990 (également dû à des questions de nationalisme). Aujourd'hui encore, je ressens une certaine compétition ou rivalité dans les espaces que je traverse. La principale ? Ce sera à Mostar : de nombreuses mosquées se répartissent dans la ville mais les communautés chrétiennes ont érigé une immense croix au sommet d'une montagne qui domine les environs. A quoi sert-elle si l'entente est parfaite ?

De mon côté, je considère davantage cette diversité des cultes comme un reflet de l'Histoire européenne car les Ottomans furent longuement présents dans les Balkans : jusqu'à la fin du XIXème siècle. Les minarets sont des vestiges de cette période au même titre que les mosquées dans le sud de l'Espagne.

Je débarque à la gare routière sur la fin de matinée. La météo est maussade et une infime bruine s'abat sur Mostar. Les curiosités étant regroupées dans un périmètre restreint, je décide de ne pas passer plus de temps que nécessaire ici pour repartir, dès ce soir, sur la Croatie. J'ai une petite idée derrière la tête : visiter le Parc National de Krka au nord de Split si je trouve le temps.

Mostar est une ville étrange : les traces de souffrance n'y ont pas été gommées comme ailleurs. Les ruines ou les logements décrépis et délabrés côtoient ainsi des monuments parfaitement restaurés. Pour rejoindre le quartier touristique, j'effectue deux kilomètres de marche à travers une zone que j'estime déshéritée ou défavorisée. Mes premiers édifices d'intérêt sont des mosquées. Je ne sais pas si j'ai le droit d'y pénétrer au vu de l'Histoire des dernières décennies, aussi préférai-je m'abstenir de ce qui pourrait être jugé comme une provocation. Le corps principal du lieu de culte présente peu d'intérêt à mes yeux surtout que j'ai déjà vu de très belles mosquées en Turquie, à Oman ou en Ouzbékistan. Par contre, je sais apprécier le style d'un mausolée ou d'un bassin aux ablutions qui ont leur propre touche locale à travers les matériaux employés pour la construction.

Suit le coeur de la ville historique et ses artères commerçantes. C'est là que se trouve mon auberge du jour. J'annule ma réservation au passage. Dehors, des hordes de touristes venues de je ne sais où déferlent.

La zone la plus jolie est toute en pierre, avec beaucoup de caractère. Sans crier gare apparaît le célèbre pont qui avait été détruit lors de la dernière guerre. Il a depuis été réédifié et des plongeurs y sautent tous les jours pour le plaisir des badauds. L'édifice enjambe une Neretva de toute beauté et est classé à l'UNESCO. Des marches antidérapantes sont aménagées sur sa chaussée et une porte garde son entrée sur un de ses flancs.

 

 

Je marche jusqu'à la cathédrale mais celle-ci n'est pas vraiment belle. Au final, je garde de la ville deux couleurs : le gris de ses pierres et de son ciel que seul vient rompre le bleu de sa rivière. Mais j'ai bien aimé découvrir ce morceau de Bosnie. Au moment de retourner vers la Croatie, le bus passe devant les ruines que j'évoquais précédemment.

Le bus rebrousse chemin sur toute la première moitié du trajet. Toujours pas de tampon à la sortie, je ne suis officiellement jamais allé en Bosnie-Herzégovine. Pas plus en Croatie mais là je le comprends un peu : l'adhésion à l'Union Européenne est pour le 1er juillet donc il y a peut-être plus de laisser-aller pour certains passeports ?

Nous suivons une route souvent en travaux, coincée entre l'Adriatique et des montagnes aussi sèches qu'élevées. Cela créé un paysage aussi admirable que celui de la Riviera de Makarska.

18h. Split. A la descente du bus, je suis assailli par une nuée de personnes venues me proposer une chambre pour la nuit. Mais j'ai un autre objectif en tête : avancer d'un jour ma réservation dans l'auberge que j'avais prévue ici. J'y parviens sans trop de difficultés. Elle est super bien localisée puisqu'elle se trouve en face du Palais de Dioclétien c'est-à-dire de LA zone à découvrir dans cette cité dalmate. Il s'agit d'un rectangle de 200 x 180 mètres traversé par un lacis de petites ruelles souvent étroites, ponctuées çà et là de curiosités romaines, religieuses ou architecturales (palais).

La partie touristique est trop restreinte pour que je puisse me perdre, aussi n'hésitai-je pas à me promener sans regarder la carte. De toute manière, on finit toujours par buter sur une muraille. Je ressors par la place de la République, côté ouest. Ce pourrait parfaitement être la place principale d'une cité italienne. De là, je pars à l'ascension de la colline Marjan, itinéraire très agréable sur la fin de journée. Cet espace vert comprend quelques chapelles bien mignonnes au milieu d'agaves et propose une belle vue panoramique.

Avec la chaleur retrouvée, je m'offre un petit extra ce soir : une glace à la praline. Voilà une journée qui se termine parfaitement !

Pour le reste, je pars en repérage pour mon programme du lendemain. Le parc de Krka s'avère impossible à atteindre car il est trop mal desservi par les transports le dimanche. Des excursions y vont le lundi mais je ne peux pas attendre autant car je dois être mardi soir à Venise pour récupérer un train de nuit. Une autre solution est de partir directement pour l'Istrie, région du nord de la Croatie, mais les tarifs sont prohibitifs et prendre autant d'avance ne me sera pas utile non plus. Zadar à mi-distance paraît isolée mais pourquoi pas : Sarah a beaucoup aimé et me l'a conseillée. Šibenik un peu plus bas semble avoir du potentiel d'après le Lonely Planet tandis que Trogir, à une trentaine de kilomètres, paraît inévitable tant qu'à être dans le coin. Je vais repérer la gare routière spécifique à cette destination qui se trouve au nord du Palais de Dioclétien puis je reviens à la gare ferroviaire étudier l'option la moins coûteuse : prendre un train de nuit pour Zagreb avec mon pass Interrail. Hélas, des travaux sur la ligne font que ceux-ci sont remplacés par des bus ? Est-ce vraiment moins cher ? En fait, j'ai encore pas mal d'hésitations sur que faire. Je rentre alors à l'hôtel pour faire des calculs, le Lonely Planet me donnant des indications sur le prix de chaque option.

Dans le dortoir, je suis rapidement rejoint par un français avec lequel je n'ai aucune affinité car il ne fait que se vanter à propos d'expériences de son tour du monde en solo. Je le laisse se fatiguer à parler seul et m'endors tranquillement.

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