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La boucle imprévue

Dimanche 12 mai 2013

Ce matin, je suis réveillé relativement tôt. Plutôt que de me morfondre dans le lit, je décide de prendre la route. Je verrai bien jusqu'où elle me mène ce soir. Ma première halte sera Trogir, ville la plus proche à une trentaine de kilomètres d'ici. Pour la rejoindre, il faut que je parte de la gare interurbaine située à 1 kilomètre au nord du Palais de Dioclétien. Je réalise ainsi des économies par rapport aux transports en commun longue distance qui y marquent un arrêt, même si je perds un peu de temps. Le trajet va durer 40 à 45 minutes passant devant l'aéroport.

J'ai du mal à y croire, le Lonely Planet écrit : "centre très petit, n'y passer qu'une demi-heure" ! Ce serait mon record pour découvrir les principales curiosités d'un site. Je vais y passer à peine plus. L'ensemble est isolé sur une île, séparée de la terre par un étroit chenal enjambé par un pont. Il se tapit derrière une muraille parfois de pierres, d'autres fois de bâtiments "modernes". Une fois de plus les ruelles sont étroites. Dans la partie ouest, deux places rassemblent une cathédrale dont le perron comprend les statues d'Adam et Eve, l'Hôtel de Ville, une Tour Horloge, une église et une loggia.

Je sors ensuite de l'autre côté de la ville sur un quai très agréable. A ma droite, des bâtiments où je retrouve des caractéristiques de Kotor, Split ou Dubrovnik. Une influence vénitienne se ressent à travers quelques façades. La longue perspective est plantée de palmiers et se termine par une forteresse petite et trapue.

Je retourne dans la ville : les ruelles sont de caractère, souvent pavées. Leur rez-de-chaussée est occupé par des restaurants ou des boutiques sur les axes les plus fréquentés. Ailleurs, place à la verdure ou au linge qui sèche au-dessus de votre tête.

Ma destination suivante sera Šibenik. J'ai en effet décidé d'explorer la côte en plusieurs étapes plutôt que de monter directement en Istrie. Sur la route, nous passons devant de jolis villages comme Marina et sa tour qui rappelle un donjon ou Primosten implanté sur une péninsule. Au large, à peu de distance de la côte, des îles entourées d'un liseré tantôt de cailloux, tantôt de sable.

Šibenik va beaucoup me plaire parce que son aspect est radicalement différent de celui des autres villes croates que j'ai arpentées : ici toutes les constructions sont verticales. Cette sensation est renforcée par le fait que la cité couvre des collines. Pour autant, la largeur des rues permet de ne pas se sentir oppressé comme si je déambulais au milieu d'immeubles. L'UNESCO a quant à elle classé sa cathédrale. La porte latérale du sanctuaire abrite des statues d'Adam et Eve masquant leur nudité ainsi que de deux lions. Et tout autour du bâtiment, une frise avec des têtes de personnages toutes différentes.

Sur son parvis qui est aussi une place importante, je discute avec un groupe de français venus ici avec leur CE pour visiter les plus beaux coins du pays. Ils restent ébahis devant le fait que je fasse tout mon parcours en train (et bus), n'ayant sûrement jamais envisagé cette possibilité.

Je m'attaque à présent aux escaliers et autres marches en tout genre, si innombrables que j'ai parfois l'impression d'être face à une muraille. Les voies sont tortueuses, parfois enjambées d'un passage couvert entre deux immeubles. Au sommet de chaque proéminence, une forteresse qui surveille les alentours et une visibilité sur les îles et canaux environnants. Comme à plusieurs reprises auparavant, pas vraiment besoin de carte pour m'orienter : la pente donne une idée claire des directions à suivre. C'est ainsi un véritable plaisir de déambuler ici.

Je reprends ma progression pour me diriger vers l'erreur de ce voyage : Zadar. La ville ne vaut absolument pas le détour à mes yeux, c'est même une grosse perte de temps surtout que la gare routière est excentrée. La partie historique commence par une porte vénitienne et des ruines romaines. Quelques édifices religieux dont un au style byzantin et d'autres ruines complètent la visite. Je finis à l'autre bout de l'île par les deux attractions dites "phares" : la Salutation au Soleil qui n'est qu'un immense panneau solaire concentrique intégré dans le sol et l'Orgue Marin. Le principe est ingénieux : des escaliers se jetant dans la mer percés de trous pour que l'eau s'y engouffre et de-ci de-là d'autres ouvertures dans le quai qui constituent les tuyaux de l'orgue.  Le hic, c'est que les trous sont tout en haut des marches et que le niveau de la mer est un bon mètre au-dessous. Sachant qu'il n'y a pas de marée en Méditerranée, je n'ai toujours pas compris le fonctionnement de cette "oeuvre". Le reste de la cité, ce sont de grandes artères où les plus grandes marques de la mode populaire sont présentes. Je n'ai pas fait tant de kilomètres pour faire du shopping ! Pour me remettre, j'opte pour deux burek locaux (il faut bien me rassasier) mais je vais crier grâce pour les finir sachant que je ne veux pas jeter de nourriture. Bref un beau raté ! Mais ça ne donne que plus de valeur au reste ...

Gares routière et ferroviaire sont côte à côte. En entrant dans la seconde, je constate qu'il y a potentiellement un train dans 20 minutes. La gare étant déserte, guichet compris, je nourris temporairement quelques doutes sur la véracité de l'information surtout que je ne comprends pas les écriteaux en croate. Progressivement, elle va cependant voir débarquer d'autres personnes puis un train à deux wagons. Mon choix est fait : je vais réutiliser mon pass Interrail à destination de Knin où j'envisage de partir sur Zagreb passer la nuit. Les tarifs de bus ici sont encore plus dissuasifs qu'à Split.

Notre progression va être très ... très ... très lente. Je pense que, quand je suis en forme, je suis plus rapide à vélo. Qui plus est, le train marque des arrêts dans des lieux hautement improbables : entrepôts de céréales, gares désaffectés aux murs à moitié écroulés et même une halte au sommet d'un mont alors qu'il n'y a rien alentours !

Arrivé enfin à Knin, il s'avère que le dernier transport pour Zagreb est déjà passé. A cause des travaux, il s'agissait d'un bus. Il ne me reste qu'une option : retourner par ce moyen de transport sur Split et, de là, envisager ma remontée vers le nord. Les mini-déconvenues s'enchaînent en cette seconde partie de journée car il est désormais acquis que je ne dormirai pas dans un lit ce soir. Après une demi-heure de bronzette, c'est reparti vers chez papi Dioclétien. Le bus traverse l'intérieur des terres, planté de nombreux arbres d'essence méditerranéenne avec des troupeaux qui paissent.

A destination, je dispose d'une heure de temps libre où je m'isole de la foule pour dîner et faire ma toilette tranquillement. Puis je repars dans un nouveau bus en direction de Zagreb. Nous démarrons à 21h17 et allons rouler toute la nuit. J'ai déjà pris un acompte de sommeil dans l'autre sens en prévision. J'ai pour le moment dans l'espoir d'atteindre l'Istrie demain vers 14h si tout va bien.

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