La Sérénissime

Mardi 14 juin 2013

Départ très matinal mais Venise le mérite : il est 4h quand je me lève et 5h quand je quitte l'hôtel en laissant la clé. J'ai bien progressé en quelques jours... Je compte sur le trajet en bus pour me reposer un peu, l'itinéraire étant le même qu'hier dans sa première partie en dehors du fjord de Lim que nous éludons. Quand j'émerge un peu, je vois des champs de caravanes collées les unes contre les autres en attendant la saison estivale où elles seront réparties entre les campings. Un peu plus loin, de belles étendues sont en culture, n'attendant plus qu'un souffle pour les faire onduler.

A l'approche de la frontière, le bus dessert Buje, village perché sur une hauteur. Y monte une flopée de mamies italiennes qui piaillent sans prendre le temps de respirer. Plus un seul passager ne peut somnoler. A titre personnel, je leur décerne le titre de "Championne Européenne du Commérage" sachant que, sur les milliers de kilomètres avalés, nul n'avait autant mis l'ambiance. On frise le cliché mais force est de constater qu'elles ne font rien pour le réduire à néant.

Dernière frontière marquée sur ma route. Côté croate, nous passons une nouvelle fois sans tampon. De toutes mes entrées et sorties de ce pays (8 au total), je n'aurais eu que deux tampons ... Côté slovène, les douanes appliquent strictement les règles de l'Union : tout le monde descend pour passer sous un portique et le bus est scanné. Ca ne rigole pas. L'opération est rapidement réalisée et nous reprenons la route sans perdre de temps. Pour rejoindre l'Italie, nous empruntons une mince bande côtière slovène. Nous passons ainsi au large de Koper que j'avais visitée rapidement il y a quelques jours dans ma fuite vers le soleil.

Un nouveau pays se présente : l'Italie. Ma remontée de l'Adriatique va s'y achever dans quelques heures lorsque j'atteindrai la cité des Doges. Pour le moment, c'est à Trieste que nous entrons. La banlieue est très industrielle et moche. Un gros port y est implanté comme à Koper ou Pula. Il est cependant écrit que nous n'atteindrons pas l'arrêt prévu : à 2 kilomètres du but, notre bus s'immobilise sur la voie rapide d'une grande avenue. Il n'ira pas plus loin. La descente va être folklorique ! Une compagnie disparate envahit la chaussée avec des bagages de toutes les tailles et toutes les formes sous les yeux médusés de quelques automobilistes bloqués. Un petit goût de carnaval haut en couleur.

Me voilà parti pour une promenade que j'hésitais à faire dans cette cité. Le sort aura décidé pour moi. J'aboutis rapidement à la place de l'Unité Italienne bordée de palais fastueux dont l'Hôtel de ville. Les dimensions sont immenses et la fréquentation inversement proportionnelle. Un peu plus loin une église quelconque puis des canaux qui rappellent vaguement Amsterdam ou le port de Nyhavn à Copenhague.

Ce passage à Trieste est une nouvelle coïncidence amusante. Je lis actuellement un récit de Paolo Rumiz, écrivain triestin, qui a lui aussi traversé l'Europe souvent en train et en bus mais de manière plus authentique, plus proche des gens et avec un parcours largement plus original (de l'Arctique à la mer Noire).

Je finis par parvenir à la gare et prends le train de 8h18. Alors que je me crois tranquille, à pouvoir me détendre, plusieurs wagons dont le mien sont pris d'assaut par une déferlante de scolaires italiens partant en voyage d'études pour la journée. Les pépiements reprennent avec les cris et agitations en sus. Ce n'est décidément pas aujourd'hui que je récupérerai de deux levers consécutifs très matinaux ... Snif ! En attendant l'acte 3 ?

10h20. Le train fait son entrée à Venise. Là-aussi c'est un retour car j'avais découvert cette ville en compagnie de mon frère il y a quelques années. Ce nouveau passage, je l'envisage comme un complément du précédent qui nous avait permis de couvrir un maximum de distance en nous aventurant notamment dans les quartiers où personne ne va. Mon seul impératif de la journée est d'être à la gare ce soir pour prendre le train vers l'Allemagne. Ma remontée de l'Adriatique s'achève, la traversée des Alpes va lui succéder, troisième et dernier grand thème de mon parcours.

La foule est dense. Autant que possible j'évite les rues principales, en empruntant d'autres plus calmes. J'aboutis dans un premier temps au marché du Rialto qui bat son plein. Devant moi s'étale une profusion de couleurs et de forme : fruits, légumes, fleurs, viandes, poissons ... La traversée du Rialto ménage une belle vue sur le Grand Canal fréquenté par une poignée de vaporetti.

 

Je me dirige ensuite vers le célèbre théâtre de La Fenice, à la façade classique et vais apprécier dans la foulée l'escalier extérieur en spirale du Palais Contarini del Bovolo, en travaux lors de mon premier passage. Dans les canaux que je franchis, des files de gondoles promènent un échantillon du monde.

Je débouche sur la Place St Marc du côté de l'aile napoléonienne et des Procuratie. Face à moi, le Campanile et la Basilique. Quelques badauds se prennent en photo alimentant une nuée de pigeons. Tombant sur un panneau annonçant un vestiaire (gratuit) pour une heure, je saute sur l'occasion pour aller visiter l'édifice religieux. Le personnel est perplexe devant mon sac hors gabarit qui ne rentre pas dans les petites cases à leur disposition. Ils vont toutefois trouver une solution.

J'entre dans la Basilique pour la première fois (son accès est gratuit pour info). Son faste est inconcevable tant les dorures sont omniprésentes. Pourtant les murs ne font pas trop chargés, ils se contentent d'éblouir.

A la sortie, je reprends mon bagage, passe devant le pont des Soupirs et vois défiler une cordée de jeunes enfants. Tous sont attachés par le poignet à une corde centrale et marchent en procession : c'est trop divertissant et trop mignon !

La suite du programme que j'avais envisagé va être chamboulée : initialement, j'aurais bien été à Murano (île des souffleurs de verre) et Burano (île de la dentelle et des façades colorées). Le tarif prohibitif pour y accéder va m'en dissuader (20€). Je n'aime pas trop être plumé comme un pigeon... En outre, je m'approche du budget de 1000€ que je m'étais fixé au départ. Je préfère donc garder cet argent pour un autre incontournable prévu lendemain.

A la place, je vadrouille un moment dans des passages étroits aux maisons arc-en-ciel.

J'achève mon tour par des curiosités aux 4 coins de la lagune : le jardin royal, la Ca' d'Oro, le lion de l'hôpital civil dépourvu d'ailes, l'ancien ghetto aux immeubles de 6 étages (fait unique dans Venise !) ou le pont aux trois arches.

C'est le milieu de l'après-midi et je commence à fatiguer avec mon sac, presque sans arrêt sur mes épaules depuis ce matin. J'improvise devant les pages d'horaires de la gare de Santa Lucia une petite excursion. Une occasion de me reposer un peu dans un train avant de découvrir ... Padoue.

Une de ses figures célèbres est St Antoine, ancien prêcheur franciscain contre les cathares. Il possède ici une grande cathédrale hélas cachée derrière les échafaudages. Son intérieur est parfois très chargé en fresques et abrite la tombe du Saint très vénéré. Les fidèles font la queue pour s'y recueillir en masse. Derrière le sanctuaire, un jardin inscrit à l'UNESCO mais je n'en sais pas plus puisque j'ai totalement improvisé ce déplacement.

Padoue, c'est aussi ces arcades au rez-de-chaussée de bâtiments hauts et colorés. J'aime beaucoup ce trait de caractère qui la différencie des autres cités de la péninsule.

Enfin, il y a des places très fréquentées, entourées d'édifices religieux, politiques ou commerciaux.

Je ne regrette absolument pas mon extension de fin de journée !

Retour à Santa Lucia en train régional. Je m'assois sur le perron et contemple les façades de l'autre côté du Canal. Je ne suis pas le seul à observer ainsi les jeux de lumière au soleil déclinant. Une ambulance passe à toute vitesse sauf qu'ici, forcément, c'est un hors-bord surpuissant qui fait des vagues.

Avant de pique-niquer, je repars chercher de l'eau au Ghetto Nuovo puis me dirige vers mon train-couchette dont le départ est prévu à 20h57. Dans mon compartiment : une allemande, deux coréens voyageant avec le même pass que moi et deux chinois plus distants. Ma destination ? Munich pour une nouvelle escale ! Quant à la majeure partie du train, elle part pour Budapest.

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